Bukuru Elie Khalfan
Burundi
Bukuru Elie Khalfan, président et représentant légal de l’Alliance des imams pour le développement humanitaire du corridor du Nord (AICNDH) au Burundi. Grâce à son implication dans la campagne #ImamsForShe – lancée en 2015 par l’Initiative Musulmans pour des valeurs progressistes dans l’esprit de la campagne #HeForShe d’ONU Femmes -, il promeut les droits des femmes et l’accès à l’éducation, ainsi que l’autonomisation des femmes par le biais de coopératives. Il organise également des débats, des ateliers de formation, des émissions de radio, des sermons du vendredi, des camps de vacances et l’interprétation de textes islamiques pour assurer l’égalité des sexes. Khalfan participe au Forum de Tunis sur l’égalité des genres, du 24 au 26 avril 2019.
Pourquoi pensez-vous qu’il est important pour votre organisation de sensibiliser et de promouvoir une compréhension de l’égalité des sexes et des droits des femmes parmi les chefs religieux?
C’est un travail très important car les chefs religieux ont une voix très large et ils sont généralement respectés dans leurs communautés. Leurs messages, considérés comme divins, ne sont ni bloqués ni modifiés et sont accueillis à bras ouverts par la congrégation.
En tant que jeune femme féministe du monde musulman, quels sont les défis à relever pour faire progresser les droits des femmes?
Pour répondre à cette question, je voudrais expliquer la situation à laquelle sont confrontées les femmes musulmanes au Burundi et qui, selon moi, est courante dans la plupart des autres pays du monde musulman. [Nous voyons]: la mauvaise interprétation de textes islamiques toujours avec les hommes; La culture burundaise accorde moins d’importance aux femmes, ce qui entraîne une inégalité des chances en matière d’éducation, d’accès au travail et dans tous les domaines sociaux, économiques et politiques… Les mariages précoces et forcés, la polygamie et le fait que les filles / femmes n’ont pas voix au choix une épouse. [Ce sont] tous des obstacles au développement socio-économique des femmes musulmanes … D’où la nécessité d’initiatives visant à améliorer le statut des femmes, dirigées par des dirigeants musulmans.
Un nombre important d’imams ont une conception misogyne du statut de la femme. … En général, les imams burundais sont peu sensibilisés et, en ce qui concerne les droits des femmes, les positions sont très divisées. Il y a des imams hostiles, d’autres indifférents et un nombre important naïfs. Les imams hostiles nous appellent des collaborateurs des Occidentaux.
L’année prochaine marquera le 25e anniversaire du Programme d’action de Beijing. Selon vous, quels ont été les progrès en matière de droits des femmes? Quel est votre message au monde?
Je ne résisterais pas à l’idée que la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing ait considérablement progressé, car les femmes et les filles sont toujours privées de leurs droits à l’éducation et à l’emploi. Le Programme d’action de Beijing envisageait l’égalité des sexes dans tous les domaines de la vie, engagement qu’aucun État n’a mis en œuvre.
Mon message est que le 25e anniversaire de la Conférence de Beijing offre de nouvelles opportunités de se rassembler, de renouveler notre engagement, de raviver la volonté politique et de mobiliser le public. Chacun de nous a un rôle à jouer pour le bien commun. Il devient de plus en plus clair que l’autonomisation des femmes fait progresser l’humanité. Par exemple, les économies croissent plus rapidement et les familles sont en meilleure santé et mieux éduquées [lorsque les femmes sont autonomisées].
La Déclaration et la Plate-forme d’action de Beijing sont-elles pertinentes pour les jeunes aujourd’hui?
Le Programme d’action de Beijing est très pertinent pour les jeunes, car ils sont les décideurs de demain. Le monde entier compte sur la jeunesse et c’est la raison pour laquelle nous devons faire avancer les choses à tout prix, car 60% de l’humanité est jeune. Avec la participation des jeunes à la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing, le monde s’épanouira et le développement se développera de manière spectaculaire.
Quelles sont vos principales attentes vis-à-vis du Forum de Tunis et que vous souhaiteriez voir reflétées dans ses résultats?
Dans les résultats du Forum, il serait idéal que les participants, en particulier la société civile, s’engagent fermement à promouvoir efficacement les droits des femmes par le biais d’actions plus cohérentes et concrètes. Le partage d’idées et d’expériences entre les participantes m’aidera également à redoubler d’efforts pour améliorer le statut des femmes musulmanes au Burundi. [Enfin, j’espère voir] les participants fixer un délai pour la mise en œuvre des recommandations du Forum.